Terreurs amoureuses


Et si je vous confiais que je suis une bulle de tendresse et de douceur, que je passe ma vie à prendre soin de tout ce qui m’approche de prés ou de loin et que ce que j’ai toujours voulu plus que tout c’était d’être aimé sans réserves … Jusque-là, l’histoire est banale, n’est-ce pas ? C’est le profil de nombreuses personnes, me direz-vous.

Là ou ça se gatte c’est qu’au moment où le rêve devient réalité, mon être tout entier entre en PLS et cherche un moyen de quitter le navire. Mes yeux scrutent les éventuelles caméras cachées, mon esprit active toutes les alarmes, et mes pensées s’accrochent à des incohérences imaginaires. Alors, je m’interroge et deviens ma propre psy… Pourquoi chercher à échapper au bonheur d’être aimée ? Qu’est-ce que je fuis ?

Et là, kaboum ! La réponse dégouline comme du slime devant mes yeux : tu n’as jamais été respectée dans tes précédentes histoires d’amour Ginette ! On est en plein hors de ta zone de connu, et ton cerveau explore tous les moyens possibles et imaginables pour te mettre en sécurité loin de cet homme qui a le culot de vouloir t’aimer et prendre soin de toi.

Que faire de cette prise de conscience et de cette situation ? Il y a des moments où je ne sais plus comment gérer toute cette attention qu’il me porte. Je sais donner, être profondément attentionnée, et glaner la moindre marque d’affection en retour, mais je n’ai jamais eu à gérer tout cet amour désintéressé, toute cette abondance de tendresse, ce flot de mots doux et de regards profondément aimants. La plupart d’entre vous se diront : « Mais de quoi se plaint-elle ? » Je ne me plains pas… je panique !

Des décennies à aimer envers et contre tous, des milliers d’heures à me prélasser dans un sourire, à m’extasier d’un merci plus sincère que les autres, je ne m’étais pas préparée à connaître l’abondance. Vous savez comment réagissent les personnes qui, ayant longtemps été privées de nourriture, se mettent à manger de grandes quantités ? Elles meurent. Je ne mourrai certes pas sous ses salves de baisers ni dans l’étreinte de ses bras, mais je ne sais plus comment réagir ni même être naturelle face à lui. C’est entre l’incompréhension, le sentiment de ne pas le mériter et la certitude que de toute façon ça va disparaître d’un moment à l’autre.

J’ai peur.

Peur d’accepter, peur de m’habituer, et peur de ne pas l’aimer assez puisque son Amour rejoint le mien, et mon amour pour les autres a toujours été tellement grand que je n’ai jamais eu à me demander si j’aimais assez. Comment peut-on aimer assez un homme qui vous donne le sentiment que la seule capacité extraordinaire que vous aviez n’est plus exceptionnelle, étant donné qu’il la possède aussi ? Mon amour me définissait, qui suis-je maintenant ?

J’étais celle qui aimait, celle qui avançait son bidon en avant et envoyait des cœurs comme des arcs-en-ciel à faire pâlir les Bisounours. Comment apprend-on à recevoir de l’amour ? Quels récepteurs faut-il activer quand on a tané sa peau pour que le cuir la remplace ?
Comment apprend-on à être aimé ?


Je réalise qu’aimer, c’est une histoire qui s’écrit à deux. Alors, coincée entre l’effroi et la béatitude, j’essaie de dénouer les nœuds de mes peurs viscérales. Je prends conscience que qui je suis est le vestige de cicatrices anciennes et qu’avec lui, je vais me redéfinir, épouser de nouveaux contours qui embrasseront les siens en guérissant chaque étreinte un peu plus.
J’apprends à être moi-même d’une manière nouvelle.

Saurai-je ? Aurai-je le courage de mon envie?

Et si un jour il m’enlève son Amour? Je fais quoi de ce trou béant au milieu de mon être?
J’ai tellement peur de me laisser aimer…


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